La mémoire imaginative ne fait que reproduire fidèlement ce qu’elle a vu, elle n’est pas passive, mais ne crée rien de nouveau. Elle ne fait que répéter notre vie passée. La mémoire imaginative représente les objets déjà perçus, sous des formes aussi concrètes que celle d’une perception. Cette ressemblance peut être assez vive pour que l’esprit s’y trompe. Elle reproduit fréquemment les choses sensibles et elle est certainement plus vive pour les sensations visuelles mais elle reproduit également les sensations de sons.
L’imagination créatrice
Quand un grand auteur crée quelque chose il emprunte certainement quelques premiers éléments à ses souvenirs. Mais il y une création qui développe ces éléments, et qui est faite par cette imagination créatrice. Quand Newton invente l’hypothèse de la gravitation, il y est poussé par les lois de Kepler. Mais de là à son hypothèse il y a une solution de continuité comblée par une imagination créatrice. Il en est de même pour des savants qui construisent une hypothèse. L’imagination créatrice est ce qui fait un inventeur. En quoi consiste ce que l’imagination créatrice ajoute aux matériaux donnés ?
Ce qu'elle ajoute, c'est l'unité.
L'artiste trouve épars dans la réalité ce qu'il réunit dans son œuvre ; mais il crée l'unité sous laquelle sont organisés les éléments qu'il trouve par l'observation. Celle-ci lui fournit la matière de son œuvre. Mais la forme est tirée de lui-même, et cette forme est l'unité. Tous les éléments fournis par l'observation, dans l'art comme dans les grandes hypothèses scientifiques, viennent se grouper et ce groupement est l'œuvre de l'imagination. Galilée observe les balancements d'un lustre. Beaucoup auraient pu observer que les oscillations de ce lustre étaient isochrones, sans songer que ce pouvait être une loi générale. Galilée a inventé cette idée. En un mot, ce qui est donné à l'imagination est multiple, et elle le ramène à l'unité.
L'imagination créatrice est donc la faculté synthétique par excellence.
Si l'imagination est une faculté synthétique, elle doit nécessairement cette propriété à la passion [sentiment d'amour, d'émotion ardent, parfois plus fort que le raisonnement] qui est la source première de l'unité. C'est sous son influence que les images fournies par la mémoire imaginative sont ramenées à l'unité. Il faut donc que pour retenir cette passion et lui donner toute sa valeur, la raison coexiste avec elle. Si la passion est l'élément nécessaire de l'imagination, elle ne peut en tout cas être productive que par l'entendement. Examinons maintenant :
Quelle est l'utilité de l'imagination dans la vie ?
Il faut reconnaître que l'imagination est une des sources les plus importantes de la connaissance. Le raisonnement suffit aux mathématiques, sciences abstraites. Mais lorsqu'il s'agit de choses concrètes, il faut nécessairement faire intervenir l'imagination ; nous ne connaissons la réalité qu'en la devinant. Or la seule faculté qui nous permette de deviner est l'imagination. Aussi cette faculté joue-t-elle un rôle de la plus grande importance dans les sciences. Peut-être même n'y a-t-il pas une seule loi dans les sciences concrètes, une seule loi qui ne dérive d'une hypothèse, c'est-à-dire d'un acte d'imagination. Ce n'est donc pas seulement comme on l'a prétendu, une faculté d'agrément. Elle a son rôle marqué dans la science. Il n'y a donc pas à s'en méfier systématiquement. D'une manière générale, on peut dire que l'imagination est la seule faculté qui augmente nos connaissances. Nous lui devons tout ce qui entre dans l'esprit de nouveau. Sans elle, l'esprit serait condamné à ne faire que développer à perpétuité les conséquences des idées qu'il a déjà. Mais la réalité, multiple et complexe, lui échapperait. Nous l’avons compris, l’élaboration d’un langage de l’expressivité de la nécessité intérieure passe aussi bien par la compréhension du monde extérieur que celle du monde intérieur. Elle sollicite notre faculté de connaître qui est l’intelligence. Pour avoir accès à la réalité, il faut d’abord la concevoir avant de la transformer.
L’imagination est la seule faculté qui augmente nos connaissances.
(Théorie de la connaissance).
S'il faut s'en tenir à l'usage courant, l'imagination est la faculté qui nous fait voir les objets avec leur forme concrète, si bien que l'esprit se demande quelquefois s'il est en présence d'un objet réel ou d'une simple conception. On voit par là ce qui distingue l'imagination de l'entendement. Ce dernier a pour objet le général, il élimine le particulier et l'individuel tandis que l'imagination laisse aux objets représentés leurs caractères personnels. Elle donne à l'individualité une vie, un relief nouveau. Pour trouver un accord harmonieux de la force et de la richesse de notre personne, il est indispensable de suivre son inspiration profonde et d'abandonner toutes influence extérieure.
L’Art et le principe de la nécessité intérieure
C’est l’idée centrale qui habite Kandinsky dans sa réflexion et qui se définit comme « le principe de l’entrée en contact efficace des éléments de l’art avec l’âme humaine ». Pour Kandinsky, la couleur est la touche, l’œil le marteau qui la frappe et l’âme l’instrument aux multiples cordes. L’artiste est la main, qui par l’usage convenable de telle touche, met l’âme humaine en vibration. Dans sa réflexion, Kandinsky fixe le but de l’art : la vibration de l’âme, ainsi que les instruments à employer : les moyens purs de l’art. Ces moyens : la couleur et la forme pour la peinture, sont purs dès qu’ils sont dégagés de la fonction d’imiter l’apparence des choses. L’efficacité du travail avec la couleur et la forme dépend de la nécessité intérieure, c’est-à-dire que l’artiste doit suivre son inspiration profonde et abandonner toute influence extérieure.
« Le peintre est maître de toutes les choses » Léonard de Vinci
Toutes les choses qui peuvent frapper la pensée de l’homme, car s’il désire voir des beautés qui l’enchantent, il a le pouvoir de les engendrer et, s’il veut voir des choses monstrueuses qui épouvantent, il est maître et créateur… En effet, ce qui dans l’univers existe par essence, présence ou imagination, il l’a d’abord dans l’esprit, et ensuite dans les mains, et celles-ci sont si expertes qu’elles créent à l’instant même l’harmonie de justes proportions, d’un seul regard, comme font les choses. »
Le peintre peut jouer avec le chaud, le froid et avec la couleur et la forme, comme le musicien sur le timbre, le rythme, le mélange, la juxtaposition et évidemment sur le dessin qui est le squelette de l’œuvre, dessin qui peut être une forme géométrique, naturelle ou bien une forme dictée par l’imagination et qui n’est pas forcément figuratif. Nous pouvons constater dans l’œuvre musicale ou picturale, une transposition d’un état psychique, sauf dans certaines œuvres contemporaines. Le Fantasme et le Rêve mettent en jeu des représentations essentiellement visuelles. Au terme d’une critique de la démarche cartésienne, qui requiert une nouvelle idée de la philosophie, Merleau-Ponty déclare (cette philosophie qui est à faire, c’est celle qui anime la peintre, non quand il exprime des opinions sur le monde, mais à l’instant que sa vision se fait geste. Toute expérience que la pensée prend en charge doit déboucher sur l’énigme qui hante le peintre. Il s’agit principalement de faire la liaison entre connaissance et création dans l’espace de l’œuvre, en faisant voir avec les mots. …)
Ce que nous cherchons dans l’art, c’est nous-mêmes.